vendredi 13 février 2009
Radiohead - Amnesiac
Quelle mouche m’a piqué ? J’entends venir au loin les conseils un brin inquiets : « Mais Romain, que fais-tu, tu parles d’un album du plus grand groupe contemporain (NDLR : pour schématiser), tu vas te faire lyncher sur la place publique par les blogs musicaux enragés. Ta chronique va forcement provoquer controverses et accusations ! » (J’espère bien !).
Mais avouons le, rien de tel qu’une chronique d’un album de Radiohead pour attirer le chaland n’est-ce pas ? Certes, pas de « Karma Police », ni même de « Creep » (merci mon dieu !) sur Amnesiac (2001), mais un chapelet de morceaux qui, réunis, forment selon moi, le meilleur album du groupe britannique.
Parce que « Amnesiac » n’est pas un banal album. Il métamorphose un grand groupe en pionnier d’un genre, en chercheur d'or. Si l'opus précédent était l'occasion de rentrer d'un pied dans l'electro et la créativité vraiment, les guitares électriques y étaient tout de même très présentes. Faisant fi des déclarations publiques à la sortie de Kid A, au cours desquelles le groupe promettait un retour à un son plus rock, « Amnesiac » porte son titre à la perfection. Comme un pied de nez à la presse et aux auditeurs ; Radiohead a souvent eu la bonne habitude de prendre tout le monde à contre-pied.
Amnesiac est un album froid, taillé dans un ordinateur malade, fatigué. Les ombres des glaciers du nord dansent en contrebas des onze pièces originales de cet opus. Capable de déconstruire un morceau pop, de le passer au filtre des robots, et de le jouer et le chanter, comme souvent, à la perfection, le groupe originaire d'Oxford ne fait jamais rien comme on peut l'attendre. Si l'album est enduit d’une couche d’acier froide et grise, et les expérimentations traversent de part en part le travail du quintet britannique, les morceaux de pop, de ceux qu'on cite sans problème comme des références, sont toujours présents.
Radiohead et sa logique implacable, son sens de la mélodie, de l'idée qui va transformer un morceau sympathique en œuvre d'art, de l'expérimentation utile et réussie. Le groupe parvient parfois à canaliser tous les traits de ce portrait pour créer des chansons intemporelles. Pas les plus connues du grand public. Les « Creep » et consorts sont de jolies chansons, mais ce n’est certainement pas là-dessus que Radiohead se démarque de la masse.
Si « Knives Out » ou bien encore « Pyramide Song » marquent par leur évidence pop, leurs mélodies soignées ; ces titres ne sont pas non plus les plus essentiels de cet album. Certains penseront que « Pyramide Song » est un chef-d’œuvre, comme « Everything in its Right Place » en était un sur « Kid A ». Je ne peux décemment pas contredire cette affirmation qui relève du bon sens. Mais mon discours est tout autre, et la question est la suivante : Quels sont les titres les plus essentiels de cette album? Quels sont ceux qui poussent l'imaginaire du groupe le plus loin, et qui tentent d'approcher, sans se mentir, l'essence de la création?
S’il me semble que plusieurs pièces d’Amnesiac pourraient prétendre à ce rang de prestige, la folie d'un en particulier semble plus apte que tous les autres à y accéder. « Life in a Glasshouse ». Le titre est lâché, sans hésitation possible. Un morceau à l'évolution lente et dramatique, marqué par ombres glacées, directement extraites d'une section de cuivre aussi improbable qu'imparable. Ce morceau n'est pas une furie rock, ce n'est pas le titre efficace d'un groupe sûr de lui. C'est au contraire un morceau un peu mal en point, un bonhomme un peu chétif, pas très beau, la paupière tombante. Ce morceau c'est un peu Thom Yorke.
La froideur et la distance apparente, la protection, que les cuivres -qui tentent de se rappeler le jazz- n'arrivent pas totalement à semer. Une sorte de distorsion entre deux points opposés qui déchire le morceau pour lui offrir une incroyable puissance. Un crescendo à bout de souffle, tout comme la voix de Yorke, pour conclure un grand album en explosion sonore : On détruit tout.
Romain.
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Tu vas te faire lyncher pour...? Avoir dit du bien de Radiohead ? Sale provocateur :-)
RépondreSupprimerLe seul truc qui personnellement me gène dans ton article (par ailleurs très bon), c'est que tu y énonces une vraie grosse bêtise : de l'aveu même du groupe, il y a plus de guitares sur Amnesiac que sur Kid A (et non l'inverse comme tu le prétends au début). Elles sont certes bidouillées et filtrées, mais plus de la moitié de l'album est composé à partir de cet instrument, à l'inverse de Kid A où il n'y en a que sur deux ou trois titres (je ne les ai pas tous en tête).
Ceci mis à part... très bon article, qui défend un album souvent mésestimé.
Pas pour dire du bien de Radiohead, ça c'est très convenu je sais bien. Mais plutôt parce qu'interpréter un album comme celui là amène forcement des avis contradictoires (ce qui est normal) !
RépondreSupprimerEt pour les guitares, je dis ça : "les guitares électriques y étaient tout de même très présentes". Peut-être que ma formulation n'est pas très claire en fait. Ah oui^^. Mais quand je dis "plus", je veux dire plus de guitares brutes. Là, elles sont tellement trafiquées qu'elles forment un instrument quasi-hybride. Alors ou techniquement ça reste de la guitare, mais pour moi, à ce niveau de transformation, ça n'en à que le nom^^.
Et je trouve aussi que cet album est rabaissé face à Kid A & co. Je ne comprends vraiment pas pourquoi :/.
Il est sorti assez vite après (six mois), tout le monde était encore sous le choc de Kid A. Or il n'est pas aussi révolutionnaire, c'est juste sa suite, moins cohérente par moment, plus sinueuse encore... enfin cela dit, même rabaissé face à Kid A, il a tout de même une presse énorme :-)
RépondreSupprimerIl a même été enregistré en même temps que Kid A et certains je crois, l'ont limite qualifié de face B. Et ce que je voulais dire, c'est que Amnesiac n'est pas un coup d'arrêt dans la carrière de Radiohead. Pour moi c'est encore une nouvelle marche après Kid A.
RépondreSupprimerAprès oui, Kid A est objectivement un très bon album, mais entre deux opus de cette qualité, il est logique que des préférences subjectives existent (c'est pas comme si on comparait un chef d'œuvre et une daube !). Et en l'occurrence ma prévérence va à Amnesiac !