jeudi 19 février 2009

Du balbutiement de l'intérêt pour le classique.

La culture musicale s’acquiert au fil des années. La musique en général est un terrain de jeu immense, et tenter de s’y aventurer trop brusquement, c’est la certitude de s’y perdre. Cette sensation de n’avoir aucun repère, de ne pas avoir de points de comparaisons, de panneaux indicateurs, c’est ce qui m’arrive en ce moment : Depuis quelques semaines, j’essaie de m’initier à la musique classique. J’aurais attendu 21 ans pour débuter cette entreprise ambitieuse, autant dire une sacré perte de temps.

A qui la faute ? A moi, c’est certain. Mais pas seulement. Il y a dans la musique classique (n’ayant pas encore acquis le vocabulaire suffisant, on me pardonnera volontiers mon langage orphelin du jargon adéquat) en général, et plus particulièrement chez les auditeurs exclusifs de cette musique, un je-ne-sais-quoi pédant et snob, assez comparable en fait, à ma vision de la musique populaire, et à ma propension à rabaisser la musique du tout-industriel. Mais cette posture n’est pas totalement identique. Pour certains, la musique populaire (non-classique) est profane. Elle n’a pas droit de comparaison avec le classique, pour la simple et bonne raison qu’à priori, le sacré n’a rien à voir avec le profane. La musique populaire serait un enfant renié ; la honte de la famille.

Tout cela n’est qu’une impression, un ressenti face à des comportements. Un professeur qui, d’un ton paternaliste –du ton de celui qui sait – vous assène sans la moindre pitié : « Les jeunes, écoutez de la musique, de la vrai : Écoutez Mozart. Écoutez Chopin. ». Son discours est pourtant celui d’une personne qui ne sait pas. Qui ne sait pas que la musique populaire peut être aussi puissante, aussi sacrée que la musique de nos lointains aïeux. Qu’en effet, il n’y a pas à comparer Beethoven à Jimi Hendrix, Schubert aux Beatles ou Wagner à Radiohead. Pas parce qu’on ne compare pas le sacré au profane. Mais parce que la musique est un art, indivisible, et que si les genres musicaux sont innombrables, il n’existe au final que deux types de musique (vous connaissez la suite). Peu importent les qualités techniques. Si cela était l’essentiel, les Satriani, les Van Halen, le Rock Progressif feraient et seraient les plus belles musiques. Au lieu de ça, se sont les plus grossières, les plus dégoutantes. Pour moi qui arrive d’un univers relativement pop, la qualité de composition de ces artistes classiques n’est pas l’intérêt principal. Le principal, c’est la puissance non quantifiable qui émane des pièces que j’ai pu jusqu’ici écouter. Certes leur talent de composition et de création, parfois la complexité de leur musique sont des outils. Mais ils ne sont pas une finalité. Voilà pourquoi je dis que je n’ai pas à choisir entre Beethoven et Hendrix. L’un n’est pas plus artiste que l’autre. La musique du second n’est pas moins essentielle que celle du premier. Hendrix et Chopin ont fait de la grande musique. A ce niveau là, on ne peut pas jouer à qui a la plus grosse.

Longtemps, le classique n’a été pour moi qu’une musique bourgeoise et poussiéreuse. Les retransmissions télévisées étaient un calvaire. De vieux hommes dégarnis ou bedonnants, l’air hautain, qui jouaient de la musique, tandis que le film était couvert d’un filtre verdâtre et glauque. Ça puait le vieux, le renfermé ; ça craignait réellement. Tout le contraire de ce que j’ai découvert récemment. La musique de Chopin et l’Etude 12, numéro 10 et ses incroyables variations sonores. Le calme, puis la tempête. Une puissance inouïe, une musique rock avant l’heure. Bien plus rock que beaucoup de groupes qui s’en revendiquent aujourd’hui. Et la Sonate 2, Op 35, connue de tous, souvent sans en avoir conscience. La Marche funèbre, dont je n’avais entendu que quelques secondes en boucles en plus de vingt ans. Je crois donc avoir découvert ce qui me plait, et me plaira dans la musique classique. L’énergie rock, la folie, la puissance. Le fait que des notes de pianos et d’autres instruments acoustiques puissent créer le chaos autour d’eux. Ce qu’on retrouve chez Chopin, chez Beethoven aussi.

Le problème, c’est que lorsqu’on souhaite découvrir la musique classique, on trouve très peu d’aide. On doit se débrouiller seul ou presque. Les conseils paternalistes ou méprisants de ceux qui savent, l’incessante glorification de cette musique, le combat d’arrière garde qui les anime, la volonté que le monde reste dans son ignorance s’il n’accepte pas de renier sa culture musicale et de dire « Oui, la musique populaire est blasphématoire, honteuse et profane. Il n’y a que la musique classique qui soit un art noble ». Je ne veux pas de leurs conseils à eux. A l’inverse, et plus putride encore, André Rieu, et sa prétendue tentative de démocratisation industrielle de la musique classique. La démarche de Jean-François Zygel me semble plus respectable. Pas puriste non plus, mais digne, ludique et amusante, son émission télé permettait à l’ignorant le plus complet que je suis, d’acquérir les toutes premières bases d’une musique qui reste aujourd’hui encore, représentée par un certain nombre de personnages pédants, chiants et puants.

La musique en général est un terrain de jeu immense, et tenter de s’y aventurer trop brusquement, c’est la certitude de s’y perdre. Depuis quelques semaines, j’essaie de m’initier à la musique classique. J’ose espérer que cette entreprise me permettra de découvrir toujours plus de musique intéressante. Désormais je sais que si je veux du classique, ce sera pour le feu et la décadence. Peut-être une mauvaise raison, mais une raison quand même. Si je n’ai aucune légitimité en ce qui concerne cette musique, je ne m’interdis pas combler mes lacunes. Partiellement dans un premier temps, soyons humbles. Sur le théatre de ma ville, une citation d'André Malraux : "La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert" (Discours sur l'Acropole). Pas sûr qu'elle soit ici dans le bon contexte, mais force est de constater que, malgré les outils dont nous disposons (l'internet en fait largement partie), la conquête reste laborieuse.

Romain.

PS : vous l’aurez compris, je serais très heureux de recevoir une multitude de conseils pour m’aiguiller. Tant qu’ils ne sont pas ponctués d’un infâme « C’est tout de même autre chose que… ». Merci !

Photo : Chopin, fin de vie.

5 commentaires:

  1. Merci pour le lien. On ouvre notre module "liens" d'ici peu et il y aura assurément un retour. Ce blog est vraiment bien. :) A+

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  2. Merci à toi de venir commenter hein. Je ne suis pas à la chasse aux commentaires, mais ce n'est jamais désagréable de savoir qu'on est lu !

    Et vu que tu (vous? ...êtes deux non?) avais commenté pour rappeler la sortie du nouvel EP de Zach Condon/Beirut, j'espère bien en voir une chronique sur ton site !

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  3. Moi aussi, un jour, j'ai eu envie de me mettre à la musique classique (j'avais vu la veille au soir La Walkyrie, sur arte), j'me suis donc rendue à la fnac, mais j'ai vite décampé en courant tant il est difficile de se frayer un chemin dans tout ça. Et pis comment savpoir si tel truc joué par tel orchestre dirigé par tel gars est mieux que le CD d'à côté. Du coup, j'me contente de Carrefour de l'Odéon, sur France Inter (en plus, on a droit à des anecdotes, c'est sympa ^^).

    J'te conseillerais bien Les 4 saisons, mais j'pense que tu connais déjà ^^

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  4. C'est un peu bête de parler de musique classique comme si elle formait un tout informe et monolithique (informe parce qu'elle est méprisée par ceux qui la craignent). La musique dite classique donc, alors que cette appellation ne recouvre aucune réalité concrète (Clayderman c'est du classique ??), est rejetée. On entend deux notes de piano, le grincement du violon et voilà le classique (désolé de la facilité) "c'est du classique, ça m'emmerde". Ce n'est que de la peur de pas savoir, de pas comprendre, de ne pas avoir la clef. La musique populaire est rassurante. Rassurante parce qu'accessible (le même principe qu'avec l'art moderne à son origine, qui aujourd'hui est devenu un marché mondial de la plus riche connerie) a priori au profane (même si certains groupes expérimentaux sont franchement incompréhensibles). Il y a une fermeture de celui qui écoute du rock pour le "classique" et "l'electro" sans que ce ne soit justifié par rien. Le classique traverse toute la musique, elle est son postulat (tu me diras que le véritable postulat c'est le son, ce qui est tout àf ait vrai). Dans la musique "classique" y a tellement de trucs chiants à mourir, mathématiques au possible quand tu les décomposes dans ton oreille. Mais comme tu le fais remarquer, parfois ça enfle de musique, ça te prend tout entier. Chopin est parfait pour ça. Ses nocturnes sont éblouissantes, et c'est tant mieux tant on écoute mieux ébloui.
    Ce que dit Coton en outre est juste. Comment savoir quel interpète de tel répertoire est meilleur que tel ? A part éplucher la presse spécialisée (et être non pas influencé mais agi par une foule de proclamés spécialistes)...
    Et puis je rajoute un mot sur l'electro a tort flingué par les défenseurs du rock crasseux. L'electro ce n'est pas David Guetta et autres tarlouzes de la french touch, c'est Aphx Twin (qui fait de la musique classique, finalement), c'est même fat boy slim et ça ressemble tellement au rock que je ne comprends pas l'étanchéité entre les deux genres pour les auditeurs. Exemple MGMT et Crystal Castles c'est la même chose à la différence près, notoire, que le premier fait encore du rock tandis que le second groupe a clairement franchi le pas pour être "electro".
    C'est un peu comme la dénomination rock qui ne voulait dire que "blues de blanc", aujourd'hui électro c'est quoi ? "rock de machine" ?
    Enfin le jeu des étiquettes...en plus ça n'a rien à voir ici, mais ton intermède sur la musique classique m'y a fait penser.

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  5. Boudi :
    "(n’ayant pas encore acquis le vocabulaire suffisant, on me pardonnera volontiers mon langage orphelin du jargon adéquat) ". C'est clair que la classique ne pas pas être considéré comme un ensemble compact et unique. Mais comme je l'ai dis, je n'ai justement pas les connaissances pour utiliser les mots justes. Et puis, j'imagine bien que quand je dis "classique", tout le monde voit à peu près de quoi je parle, d'autant plus que je dis dans mon article que je n'y connais pas grand chose.

    Pour le classique "postulat de la musique", pas vraiment, puisque il y a des milliers d'années, les peuples faisaient déjà de la musique : Il y avait bien des flûtes en os d'aigles il y a 25000 ans^^. Mais il est clair qu'on peut dire que la musique classique est le "postulat" de la musique au sens moderne du terme.

    Et je ne comprends de toute façon pas les gens qui disent aimer la musique et qui se cantonnent à un seul style musical. Pour moi c'est un non-sens complet. Je ne dis pas qu'il faut tout aimer pour aimer la musique, mais chaque style musical possède en son sein des artistes qui valent le détour, donc bon, les gens qui opposent rock et rap (deux musiques très proches en réalité, sur le fond), ou rock et electro, je n'ai pas grand chose à leur dire^^.

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