mercredi 18 mars 2009

Yellow Tricycle - A Lovers Prayer


Sorti lundi dernier, « A lovers Prayer » de Yellow Tricycle est un album étrange. Musicalement convaincant, il tranche avec la discographie passée de son auteur tête à claques, Damien Saez.

Comme l’indique le sticker sur le boitier de ce disque (« The English Ride of Saez »), « A Lovers Prayer » est une virée rafraichissante en langue anglaise. Un album sombre qui se mue par instants en cris fielleux. Bien sûr, il ne s’agit toujours que d’un album de Damien Saez. Et par conséquent de l’assurance de retrouver une voix pleine de tics, crispante au possible. Bien sûr le chant de Damien Saez est maniéré, théâtral, ponctué d’envolées lyriques. Mais l’avantage du passage à l’anglais, c’est qu’on est bien plus indulgent en ce qui concerne les paroles. Le même disque en langue française n’aurait à coup sûr pas eu la même saveur. Alors que le précédent opus en appelait aux fantômes de Barbara, de Brassens (« Dis-moi qui sont ces gens »), et autres intouchables de la musique française, ce nouvel album fait quant à lui référence aux icones anglophones : un clin d’œil appuyé au songwriter Canadien Leonard Cohen (« A lovers Prayer »), et certaines sonorités qui ne sont pas sans rappeler le groupe d’Oxford, Radiohead (« Killing the Lambs », « Yellow Tricycle »).

Depuis ses débuts, et derrière son masque d’arrogant et de rebelle rarement convaincant, Saez se cherche une filiation. Ses albums sont des hommages. Même lorsqu’il se vante de créer des albums pseudo-concepts (God Blesse/Katagena), son travail artistique a pour essence les réminiscences d’illustres prédécesseurs : Jacques Brel et Jim Morrison (Jours Etranges/Strange Days) en tête. Le gros problème du dijonnais, c’est que son chapelet de morceaux ratés, son attitude outrancière et sa poésie lycéenne discréditent totalement une œuvre musicale par moments respectable. Ce qu’il faut essayer de comprendre, c’est que Damien Saez n’est pas Raphael. Le premier sait faire preuve d’une vision musicale certaine, sa palette est très large, et c’est aussi ce qui fait de lui un artiste médiocre : Pas assez spécialisé, il se perd dans trop de directions pour pouvoir construire un album besogneux et solide.

« A lovers Prayer » semble être cet album qu’on n’osait même plus attendre. Un album de pop à la fois planante, intense et soignée qui offre son lot de belles surprises. « Braindead » jouit d’une ligne de chant remarquable, d’une construction musicale dotée d’une réelle évolution : Enfin de la musique chez Damien Saez ! Cependant, lorsqu’il s’attaque au rock fumant, les morceaux de Saez sont exagérés et sans nuances. Sur « White Noise » par exemple, et ses paroles dénonciatrices d’une société effritée et botoxée. Tout n’est pas à jeter dans ce titre pour autant. Il a le mérite d’offrir à l’auditeur un morceau décomposé en trois temps. La seconde phase de « White Noise » est certainement la plus réussie, et ce passage en forme de refrain indie-pop surprend agréablement l’auditeur qui s’attend de prime abord, à un morceau morbide et geignard. On préférera tout de même le grunge acoustique de « Pill For the Ride ».

Un album qui se fait parfois rock, mais qui reste relativement pop. Les guitares saturées ne sont pas systématiques, et l’intensité musicale de cet opus est à chercher ailleurs. Comme je l’ai évoqué plus tôt (« Braindead »), les lignes de chant font souvent mouche. Loin de mélodies trop simplistes, des morceaux tels « Ghost Downtown », « Killing The Lambs », « Braindead » sont marquées par des intonations « post-orientales » et psychédéliques. Sur « A lovers Prayer » au contraire, l’imitation de Leonard Cohen, digne de Laurent Gerra, est plus drôle que poignante. Si on rajoute à cela une guitare acoustique jouée elle aussi à la manière du Canadien, on tombe dans le très mauvais plagiat. Morceau à oublier, indubitablement.

La batterie est quant à elle un personnage de premier ordre sur cet album. Elle se révèle souvent en fin de morceau pour emporter un titre que seuls le chant et la guitare tenaient en haleine jusque là. Un jeu de batterie nuancé qui sait accompagner, avec une discrétion bienvenue, un morceau déjà intense, malgré son minimalisme (« Pill for the Ride »).

Au final « A lovers Prayer » est un album plus proche d’illustres artistes indie-pop (« Helicopters » et la fin du titre qu’on relierait presque à Arcade Fire) que d’une nouvelle scène française quelconque. On pourra rire de cette comparaison si l’on ne fait pas l’effort d’écouter cet opus. On y réfléchira à deux fois en revanche après écoute. Il est clair que Saez n’a pas un passé musical qui plaide en sa faveur. Au contraire. Chez les braves gens, reconnaitre à Saez le moindre talent, c’est le risque de devenir le pestiféré de la communauté, de devenir celui qui a perdu toute crédibilité. Personne ne dira que « A Lovers Prayer » est un grand album, et on ne sera pas dithyrambique envers Saez qui compile musiques médiocres et fautes de goût impardonnables depuis dix ans. Mais si on juge l’album plutôt que l’artiste, comme Saez semble nous le demander ici, en choisissant de sortir « A Lovers Prayer » sous un pseudo, on devra au moins dire « Bien essayé ». Et moi, je dis « Bien joué » ; et je suis sûr de moi.

Romain
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