jeudi 5 février 2009

Beirut - Gulag Orkestar


La vingtaine tout au plus, et déjà un talent d’une extrême insolence. Zach Condon n’entame pas encore sa troisième décennie, que le très balkanique « Gulag Orkestar » s’impose dans les bacs, comme un cheveu sur la soupe musicale ambiante.
Pari osé s’il en est, Beirut propose une pop aux saveurs d’est européen. Et tant pis pour les comparaisons d’usage aux films d’Emir Kusturica et autres disques de Goran Bregovic. Analogie aussi complaisante qu’inexacte. Parce que le jeune américain propose brillamment, au fil de ce premier opus, une musique originale, mélancolique, gorgée d’émotion ; et aux fanfares orientales de surélever le tout.

A mi-route entre pop, folk et musique traditionnelle, « Gulag Orkestar » n’en finit pas de dévoiler ses charmes. La voix de Condon, d’une classe presque indécente, rendrait jaloux bon nombre de chanteurs, à n’en pas douter. Gracieuse, alerte et prenante à la fois, elle agit sur cet opus comme un coup de poing supplémentaire, alors même que la musique aurait pu se suffire à elle-même. Une musique hybride justement : les guitares se mêlent allègrement aux trompettes, parfois aux notes synthétiques pour former des pierres taillées à la perfection. Zach Condon fait perdre à l’auditeur toute notion de réserve ou de méfiance. Sans crier gare, sa musique pénètre l’esprit pour lui interdire tout penchant réfractaire.

Échappée belle vers une soif de liberté, cet album est un road-trip initiatique en terres tziganes. Et si « Scenic World » est un sentier vers l’électronique, c’est pour mieux rappeler qu’une musique folk traditionnelle n’est pas pour autant une musique du passé. En phase avec son époque, Zach Condon impose une certaine mélancolie poétique, sans pour autant nous embarrasser d’un passéisme brutal.

L’art de construire des ponts en tous genres : Géographiques bien sûr, temporels aussi, mais surtout des ponts musicaux : « Gulag Orkestar » est un album de métissages sonores. Comme une photo décatie, la couleur musicale de cet opus s’enfonce loin dans les jaunes («Bratislava »), et les tons orangés (« Postcard From Italy »). Agissant tel un caméléon, Zach Condon et sa musique virent au vert, sur un titre final (« After the Curtain ») duquel de légères notes électro émanent, accompagnées d’applaudissements bien mérités.

Au final, onze titres et autant d’escales improbables. Virée romantique et désuète, ou pèlerinage sans motif annoncé, « Gulag Orkestar » nous empoigne en Allemagne de l’est et nous mène de Bratislava aux confins de la Slovaquie, le plus loin possible, pour virer au sud parfois, jusqu’en Bulgarie, à l’orée même de la Turquie.

Romain.

2 commentaires:

  1. C'est vrai que Beirut a un talent certain; du coup on attend son EP a paraître prochainement avec impatience.

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  2. Je crois même qu'il sort aujourd'hui cet EP "March of the Zapotec". J'm'attends pas fondamentalement à quelque chose de mauvais de la part de Zach Condon, mais tant que j'ai pas écouté, je dis rien^^.

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