dimanche 20 septembre 2009

Kill The Vultures - Ecce Beast


Des instrumentaux empruntés au Jazz, ou les basses et les cuivres se mêlent à la puissance d’une batterie pour se fondre en sonorités mélancoliques et sinueuses. Un flow géométrique, carré et en place, presque déposé sur ces mêmes instrumentaux. C’est « Ecce Beast » de Kill the Vultures !, album autoproduit par Anatomy et Crescent Moon, les deux membres du groupe basé à Minneapolis.

Depuis le premier opus éponyme de Kill The Vultures en 2005, le groupe s’est évertué à créer une musique sans concession ni demi-mesure, très sombre, et fortement irisée de jazz ou de blues brumeux. La batterie ne cesse de marteler un rythme qui n’a rien d’enchanteur (« Spare Parts »), et que l’on retrouve, tout au long de l’album, comme fil rouge de ce voyage entre crasse absolue et jazz de vipères (« 14th St. Ritual »). Parce qu’il y a quelque chose de malsain dans cet album, et parce que Kill The Vultures a su retranscrire en musique une réalité sombre et froide, les dix morceaux qui composent cet opus sont autant de saynètes qui rivalisent de constance, de cohérence et de noirceur.

Les cuivres (que l’on retrouve tout au long du voyage, que ce soit sur « Spare Pants » « Heart of The Night » ou d’autres titres) prennent une dimension très visuelle chez Kill The Vultures : Comme une impression d’assister à un combat anarchique d’instruments, sur background de cieux gris et de friches déprimantes. La contrebasse répond aux trompettes, aux saxophones, tandis qu’au centre, les rythmiques déployées par la batterie se muent en arbitre contraint de frapper dans ce tas d’instruments aux idées de haine et de vices.

Si l’album se conclut par un « Burnt Offering » largement inquiétant et hanté par quelque ectoplasme désespéré, « Ecce Beast » aura tantôt effrayé, tantôt déprimé l’auditeur. Le flow de Crescent Moon se fait l’écho d’instrumentaux toujours noirs et glauques, comme ces néons qui ne s’allument plus que par intermittence. Le plus remarquable concernant ce flow, c’est qu’il parvient à être habité d’une conviction non feinte, alors même qu’il oscille à la lisière du rap et du récit parlé. Une ambiance générale qui n’est, sur le fond, pas sans rappeler ce qu’avait fait le duo rennais Psykick Lyrikah avec « Des Lumières sous la Pluie ». Et si sur la forme, les deux œuvres comparées usent de différents moyens (la veine electro pour les français, et le jazz pour les états-uniens), ces deux albums en appellent souvent aux mêmes sentiments de frayeurs, de désenchantements, et de ténèbres citadines.

Guides touristiques d’un genre très particulier, Anatomy et Crescent Moon proposent à l’auditeur une virée dans les abîmes d’une réalité dont le coté sombre demeure parfois sous-estimé. Véritable parti pris artistique, « Ecce Beast » est un angle d’attaque relativement fataliste, et somme toute réaliste, prompt à provoquer le malaise, malgré une surenchère certaine, bien qu’inhérente à la création de cet album.

Romain.

vendredi 11 septembre 2009

Kid Koala - Carpal Tunnel Syndrome

Je ne vous l’avais pas caché, derrière The Slew, dont je parlais ici même récemment, se cache Kid Koala, Dj Turntablist canadien, originellement signé chez Ninja Tune (label indépendant britannique, et écurie de diverses formations hip-hop et electro : Dj Vadim, Roots Manuva, Daedelus, Amon Tobin…). Originaire de Vancouver, Eric San (Kid Koala), est signé chez Ninja Tune par Jonathan More, membre du groupe electro Coldcut, et, accessoirement fondateur du label en question.

En 2000, Kid Koala livre sa première production studio : « Carpal Tunnel Syndrome ». On remarquera la singularité de la démarche, à savoir, enregistrer et presser sur disque - en studio -, une performance qui se veut le plus souvent live. Parce que ce que propose le turntablist canadien, ce n’est pas du saupoudrage de scratchs sur un quelconque disque hip-hop. Armé de ses platines et de sa vision musicale, Kid Koala use de différentes techniques (scratch, sample, pitch…) qui ne sont que des outils pour arriver au but ultime : une création originale, esthétique et fluide. Comme tout autre genre musical, il est important de noter que si la technique virtuose de Kid Koala est remarquable, ce n’est bien sûr pas (seulement) cela qui pourra susciter l’intérêt pour ce disque. Celle-ci n’est qu’une voie (et quelle voie) autorisant l’artiste à créer une ambiance unique et envoutante.

Relativement courts, les quatorze titres de cet album ne s’embarrassent donc pas d’une surenchère de démonstrations grotesques, et se contentent d’ébaubir l’auditeur, sans qu’il n’ait le temps de s’ennuyer. « Strut Hear », introduction à « Carpal Tunnel Syndrome » est une petite bombe funky d’à peine une minute, tout comme l’est « Roboshuffle ». Kid Koala sait tour à tour métamorphoser sa platine en poulet piaulant (« Like Irregular Chickens »), se mouvoir en trompettiste de talent (« Drunk Trumpet »), emmener l’auditeur pour un farniente sur les plages tahitiennes (« Naptime ») ou le remercier de son attention, et lui dire à la prochaine (« Roll Crédits ») ; le tout dans une ambiance jazzy et cartoonesque, fils conducteurs de cet opus marquant de singularité et de qualité.

Je ne pouvais conclure sans évoquer l’artwork de qualité de cet album, doté d’un livret illustré/BD, qui colle parfaitement à l’ambiance du disque et que vous aurez l’immense plaisir de découvrir en achetant cet excellent album.


Romain



jeudi 10 septembre 2009

Bike for Three! - More Heart Than Brains

Lorsque Buck 65, artiste hip-hop (nord-américain) s’il en est, s’associe à Greetings from Tuskan (dont je n’avais, à dire vrai, jamais entendu parler jusque là), cela donne Bike for Three!. Et quand on sait que cette collaboration est signée chez nos amis d’Anticon, on ne peut s’empêcher de se réjouir d’avance, tant le label a œuvré pour l’évolution et le renouvellement du hip-hop au cours de la dernière décennie. « More Heart than Brains », album au titre évocateur, est donc le fruit d’une collaboration originale, pas improbable pour autant. L’electronica produite par la jeune artiste belge sied parfaitement au flow de Buck 65.

« Beginning » et « Ending », introduction et conclusion de cet album, tendent plus vers l’ambient qu’autre chose, et bien que le cœur de cet opus demeure tout à fait hip-hop et rythmé, il conserve lui aussi une petite touche atmosphérique qui contribue à la cohérence du tout. Une cohérence qui n’était pas courue d’avance. Les deux artistes ne se sont pas rencontrés pour produire ce disque, et lorsque le premier posait son flow vif et habité sur les compositions de la seconde, celle-ci intervenait en retour par retouche. Buck 65 et Greetings from Tuskan ont construit cet album comme on imaginerait le dialogue entre un tailleur et son client (la comparaison peut sembler bizarre, j’en conviens). Au centre, un bel habit brut (les productions envoutantes de GFT) qui doit être retouché, recoupé, pour épouser à la perfection le corps de celui qui portera le vêtement. Un travail d’orfèvre pour l’artiste belge, qui n’a semble-t-il rien laissé au hasard, et a fourni au rappeur canadien des instrumentaux de choix.

Qu’il s’agisse du tube en puissance « No Idea How » et de son refrain martelant, ou du morceau-titre « More Heart than Brains » au cours duquel Greetings from Tuskan donne le change, de sa voix spectrale au flow robotisant de Buck 65, cet album demeure une grande réussite de cette année 2009. Nouvelle preuve qu’aujourd’hui l’imbrication des genres musicaux sait se faire sans accroc ni détail choquant. Au beau milieu de cet opus cohérent et de cette ambiance sonore très spéciale, on retrouve pourtant un morceau qui interpelle. « MC Space » est un titre qui conserve certes la touche electro de la jeune femme, mais qui se rapproche bien plus d’un rap de facture classique, en raison de sa rythmique typiquement hip-hop et du flow pour le coup 80’s de Buck 65.

Doté d’une ambiance spatiale voire parfois computerisée, « More Heart Than Brain » demeure cependant un album on ne peut plus vivant. Totalement cohérent, il est par la même assez difficile d’en faire ressortir un morceau en particulier tant son déroulement est fluide. Aussi, l’atmosphère nuageuse de cet opus ne lui ôte à aucun moment son énergie propre au hip-hop. Et les deux artisans de cette réussite sont parvenus à conserver chacun leurs univers respectifs et ainsi livrer une production équilibrée qui laisse une place au premier plan à chacun d’entre eux. Le tout en proposant à l’auditeur un univers musical hybride, addition remarquable de deux talents qui le sont tout autant.

Romain





mercredi 9 septembre 2009

The Slew - 100%


DJ Times: What’s up with your band, Slew?
Koala: It’s a Seattle-based project I’m working in. It’s kind of like the Nirvana of turntablism. We will have a full-length album next year. Prepare yourselves for the advent of Grungelism. Consider yourselves warned.
Source


Nous étions donc prévenus. Quand le turntablist le plus créatif du moment s’autorise ce type de déclarations fracassantes, difficile de se gausser. « 100% », album proposé par The Slew (Kid Koala + Dynomite D + la rythmique de Wolfmother), est aussi gratuit qu’il est marquant. Marquant de puissance sonore, de créativité, et de bon goût. Kid Koala rappelle aux derniers sceptiques (vieux cons ?) que l’art du turntablism n’est pas une arnaque musicale, un artifice superficiel, mais au contraire un moyen capable d’offrir une multitude de possibilités. « 100% » est un album résolument moderne, alors même qu’il remet au goût du jour les souvenirs rock d’antant.

The Slew ne propose pas une tentative poussiéreuse qui se démarquerait plus par la tentative que par le résultat. Les sons distillés par les nombreuses platines du canadien s’intègrent parfaitement au duo batterie basse, le tout se confondant en une synergie hallucinante. Pour preuve, le morceau titre de l’album, qui assène en ouverture un riff samplé dévastateur.
Et il en est de même tout au long de cet opus. Les voix, comme les notes de guitares sont samplées, scratchées, parfois jusqu’à la déconstruction totale pour mieux les remonter d’une toute autre manière. Un peu comme ce que faisait Kid Koala sur le morceau « Drunk Trumpet », époque « Carpal Tunnel Syndrome ». Comme je le disais donc, le turntablism offre à la musique une multitude de possibilités qu’il est le seul à proposer. Il permet d’isoler une sonorité qui aurait pu passer presque inaperçue, et de la mettre en avant, de la développer dans toutes ses nuances, pour offrir à l’auditeur une « vision sonore » tout à fait différente.

Si les influences et les emprunts de The Slew proviennent de toute la discothèque chronologique du rock’n’roll, 100% ne manque pour autant pas de cohérence. Le cap est parfaitement tenu, qu’il s’agisse de revisiter Led Zeppelin (« Robin Banks (Doin’ Time) ») ou encore de proposer un « Shalked Soul » éreintant via son bouillonnement sonore constant et de sa rythmique fracassante. Il y a du groove chez The Slew, de la bonne crasse Blues comme on l’aime tous. Et on touche ici un autre point fort de l’album. Il ne s’agit pas seulement d’un bidouillage facétieux ou d’un assemblage ingénieux de sons en tous genres. Cette musique a de l’âme, elle ne rend pas froides les guitares, fades les chants rocailleux et/ou habités ; et elle ne les embellit même pas. The Slew se contente de proposer un autre angle d’écoute, et c’est bien cela qui est remarquable.

Bien qu'on puisse, ne serait-ce que sur la forme, vaguement penser que d’autres ont déjà tenté ce genre d’expériences par le passé, pas d’inquiétude, ce disque de musique n’a strictement rien à voir avec de médiocres essais (Qui a dit Mos Def ?)plus ou moins analogues (plutôt moins que plus, en fait) d’un rapprochement entre rock/blues et hip-hop. On pourra dire que The Slew a ici produit un album d’abstract hip-hop, de turntablism. Mais on pourra également dire que The Slew a produit un album de Rock. Qui a dit qu’il ne fallait plus chercher de ce côté pour s’enthousiasmer de la créativité hors du commun d’un groupe ?

Romain.


mardi 8 septembre 2009

Why? - Eskimo Snow


Deux ans après « Alopecia », « Eskimo Snow », quatrième opus de la formation américaine, est dans les bacs en cette rentrée 2009. Si jusque là, ma préoccupation principale était de savoir quel était, en définitive, le meilleur album de Why?, il est clair que cet album est le plus fade d’entre tous.

Alors qu’« Oaklandazulasylum » était un joyeux bordel foutraque, « Elephant Eyelash » une production pop décalée et irréprochable, et « Alopecia » un nouvelle virée musicale savoureuse ; cette « Eskimo Snow » fait penser à la première erreur d’une carrière jusque là brillante. Si la galette n’est ni nulle, ni inaudible, c’est bien la qualité et le génie auxquels nous avaient habitué Yoni Wolf et sa clique qui fait souvent défaut par ici : Depuis Clouddead, Why? avait de plus en plus glissé vers la pop, pour finir par proposer une musique hybride. D’un coup, tout a dérapé, la ligne jaune a parfois été franchie, de telle sorte qu’on ressort de cet album avec l’idée que cette collection de faces B (enregistrées à l’époque d’Alopecia pourtant) est beaucoup trop pop, trop classique.

Vraiment moins caustique que son prédécesseur, c’est le moins qu’on puisse dire, Eskimo Snow est une galette un brin molle et très premier degré. Si les titres ne vont pas jusque sombrer dans le mièvre (« One Rose » est tout de même une très jolie pièce, tout comme « One Rose Walk, Insomniac » du reste, et son final efficace à souhait, ou les instruments s’entrechoquent avec puissance pour emmener la voix de YW), on a tout de même tendance à rapidement s’ennuyer (« Even the Good Wood Gone », « Berkeley By Hearseback »). Le plus étrange, c’est qu’écoutées unes à unes, les chansons d’Eskimo Snow ne sont pas mauvaises :

Le titre d’ouverture « These Hands », bien qu’il annonce clairement la couleur générale de cet opus, ne laisse aucunement présager une quelconque déception. Un morceau calme et pop, accompagné d’un chant brillant, comme souvent. De la même façon, « January Twenty Something » nous offre une interprétation irréprochable ; Yoni Wolf se retrouve véritablement à faire un duo avec une batterie qui pourrait de prime abord sembler secondaire, mais qui est, au final, on ne peut plus indispensable à la réussite de ce titre.

Comment diable expliquer ce sentiment de déception finale, dès lors qu’on admet que les morceaux ne sont pas mauvais ? Parce qu’on ne saurait se contenter d’un album en deçà de ses qualités de la part de Yoni Wolf, lui qui après Clouddead a su se lancer en solo, et confirmer par trois albums de grande qualité. Lui qui sait apparaitre, le temps d’un couplet, sur les projets de ses camarades et créer l’événement (avec Alias, Themselves, Sole, et beaucoup d’autres).
« Eskimo Snow » n’est ni médiocre, ni nul, c’est juste un album moyen, qui n’a pas su jouer la carte de la mélancolie avec autant d’inventivité que par le passé. C’est un album de pop indé, parfois folkée, qui invoque à sa manière ses illustres prédécesseurs (L.Cohen). Sauf qu’on ne veut surtout pas de ça de la part de Why ?, il n’en a pas besoin. On voudrait toujours retrouver la classe d’un « Act Five », l’efficacité de « The Hollows » ou « The Vowels Pt 2 », le génie hip-pop de « Gemini (Birthday Song) », bref, on voudrait pouvoir retenir plusieurs morceaux d’Eskimo Snow pour les ajouter au très fourni catalogue des joyaux sonores confectionnés par Why? au cours des dix dernières années.

Malheureusement, on ne le fera pas. Mais on se contentera d’écouter cet album, comme il se doit, un dimanche après midi d’automne, pour le trouver joli quand même, cet effort.

Romain.

(Les chroniques de Playlist Society, Words and Sounds et Toujours un Coup d'avance
)


Je vous laisse avec "Gemini (Birthday Song)", extrait d'"Elephant Eyelash".

mercredi 2 septembre 2009

Le Klub des 7 - La Classe de Musique


Lorsque le premier album du Klub des 7 sortait en 2006, la moindre des choses qu’on puisse dire, c’est que ce n’a pas été la bombe espérée. Les 7 membres du Klub n’avaient réussi qu’une émulsion partielle. Une addition de talents certains, sans réussir pour autant à faire monter la mayonnaise. Nous avions eu le droit à un album brouillon, qui ressemblait plus à une compil’ « fuzati presents » qu’à une œuvre à part entière. Trois ans plus tard, le Klub revient avec « La Classe de Musique » ; et la métamorphose est assez remarquable.

La bande est de retour sans Freddy K (hommage sans violon ni piano sur « l’Appel »), mais avec un album aussi cohérent qu’appréciable. La qualité générale des instrus a été largement rehaussée. Et si le thème principal développé est celui de l’enfance, cela ne nous étonne pas plus que ça, lorsqu’on se souvient des albums respectifs de Fuzati ou James Delleck. Parfaite mélancolie sans en avoir l’air.

Comme MF Doom dont il s’inspire, Fuzati, épaulé par Detect (ou l’inverse), a un penchant certain pour le sample de sonorités du siècle dernier. Les années 70 sont donc à l’honneur dans la classe de musique, et ça ne pouvait pas tomber mieux pour des jeunes trentenaires retombés en enfance. Interludes sensass’ et samples trop bath’ pour ne pas être mentionnés, le Klub des 7 nous propose en addition des lyrics d’autant plus chics qu’ils sont déclamés par une bande de malicieux chenapans. Les punchlines s’enchainent sans temps mort, que ce soit par le biais d’un Gérard Baste dans une forme lyricale exceptionnelle, ou encore l’homme au masque de faible (qui ne manque évidement pas de plomber l’ambiance en toute fin d’album : «Grandir c’est se rendre compte qu’on ne peut plus dire « pouce », l’école est finie, on ne se reverra pas tous »), en passant par Le jouage, James Delleck et Cyanure.

Qu’il s’agisse des 400 coups plus drôles les uns que les autres (« Non Monsieur », « Pouilleux Massacreur »), du refus de grandir (« l’école est finie »), ou des premiers émois de James Delleck (« Ana et Moi »), ce second album du Klub des 7 est d’autant plus réussi que le premier essai n’avait pas été convainquant. Bien sûr le ton est décalé, les thèmes sont drôles, parfois graveleux, grivois et grossiers. Cela n’empêche pas cette galette –bien au contraire- de faire ressortir une poésie indéniable. Il faut dire que le thème s’y prêtait à la perfection.

Je ne pouvais pas conclure cette chronique sans citer une seconde fois fuzati. Quoiqu’on en dise, et bien qu’il soit moins présent que sur le premier opus, Fuz’ demeure clairement une valeur ajoutée à cet opus. Alors qu’il y a quelques temps je me disais que son personnage concept allait s’essouffler, force est de constater que s’il en use jusqu’à la corde, cette dernière est très solide. Sa technique d’écriture est toujours aussi percutante, et son flow d’apparence miteux s’impose de plus en plus à mes oreilles comme une évidence :

« Klub des 7, rap bon enfant conçu par un eugéniste ;
Rêve de faire sauter le monde avec une boite du petit chimiste ».

Romain.




mercredi 18 mars 2009

Yellow Tricycle - A Lovers Prayer


Sorti lundi dernier, « A lovers Prayer » de Yellow Tricycle est un album étrange. Musicalement convaincant, il tranche avec la discographie passée de son auteur tête à claques, Damien Saez.

Comme l’indique le sticker sur le boitier de ce disque (« The English Ride of Saez »), « A Lovers Prayer » est une virée rafraichissante en langue anglaise. Un album sombre qui se mue par instants en cris fielleux. Bien sûr, il ne s’agit toujours que d’un album de Damien Saez. Et par conséquent de l’assurance de retrouver une voix pleine de tics, crispante au possible. Bien sûr le chant de Damien Saez est maniéré, théâtral, ponctué d’envolées lyriques. Mais l’avantage du passage à l’anglais, c’est qu’on est bien plus indulgent en ce qui concerne les paroles. Le même disque en langue française n’aurait à coup sûr pas eu la même saveur. Alors que le précédent opus en appelait aux fantômes de Barbara, de Brassens (« Dis-moi qui sont ces gens »), et autres intouchables de la musique française, ce nouvel album fait quant à lui référence aux icones anglophones : un clin d’œil appuyé au songwriter Canadien Leonard Cohen (« A lovers Prayer »), et certaines sonorités qui ne sont pas sans rappeler le groupe d’Oxford, Radiohead (« Killing the Lambs », « Yellow Tricycle »).

Depuis ses débuts, et derrière son masque d’arrogant et de rebelle rarement convaincant, Saez se cherche une filiation. Ses albums sont des hommages. Même lorsqu’il se vante de créer des albums pseudo-concepts (God Blesse/Katagena), son travail artistique a pour essence les réminiscences d’illustres prédécesseurs : Jacques Brel et Jim Morrison (Jours Etranges/Strange Days) en tête. Le gros problème du dijonnais, c’est que son chapelet de morceaux ratés, son attitude outrancière et sa poésie lycéenne discréditent totalement une œuvre musicale par moments respectable. Ce qu’il faut essayer de comprendre, c’est que Damien Saez n’est pas Raphael. Le premier sait faire preuve d’une vision musicale certaine, sa palette est très large, et c’est aussi ce qui fait de lui un artiste médiocre : Pas assez spécialisé, il se perd dans trop de directions pour pouvoir construire un album besogneux et solide.

« A lovers Prayer » semble être cet album qu’on n’osait même plus attendre. Un album de pop à la fois planante, intense et soignée qui offre son lot de belles surprises. « Braindead » jouit d’une ligne de chant remarquable, d’une construction musicale dotée d’une réelle évolution : Enfin de la musique chez Damien Saez ! Cependant, lorsqu’il s’attaque au rock fumant, les morceaux de Saez sont exagérés et sans nuances. Sur « White Noise » par exemple, et ses paroles dénonciatrices d’une société effritée et botoxée. Tout n’est pas à jeter dans ce titre pour autant. Il a le mérite d’offrir à l’auditeur un morceau décomposé en trois temps. La seconde phase de « White Noise » est certainement la plus réussie, et ce passage en forme de refrain indie-pop surprend agréablement l’auditeur qui s’attend de prime abord, à un morceau morbide et geignard. On préférera tout de même le grunge acoustique de « Pill For the Ride ».

Un album qui se fait parfois rock, mais qui reste relativement pop. Les guitares saturées ne sont pas systématiques, et l’intensité musicale de cet opus est à chercher ailleurs. Comme je l’ai évoqué plus tôt (« Braindead »), les lignes de chant font souvent mouche. Loin de mélodies trop simplistes, des morceaux tels « Ghost Downtown », « Killing The Lambs », « Braindead » sont marquées par des intonations « post-orientales » et psychédéliques. Sur « A lovers Prayer » au contraire, l’imitation de Leonard Cohen, digne de Laurent Gerra, est plus drôle que poignante. Si on rajoute à cela une guitare acoustique jouée elle aussi à la manière du Canadien, on tombe dans le très mauvais plagiat. Morceau à oublier, indubitablement.

La batterie est quant à elle un personnage de premier ordre sur cet album. Elle se révèle souvent en fin de morceau pour emporter un titre que seuls le chant et la guitare tenaient en haleine jusque là. Un jeu de batterie nuancé qui sait accompagner, avec une discrétion bienvenue, un morceau déjà intense, malgré son minimalisme (« Pill for the Ride »).

Au final « A lovers Prayer » est un album plus proche d’illustres artistes indie-pop (« Helicopters » et la fin du titre qu’on relierait presque à Arcade Fire) que d’une nouvelle scène française quelconque. On pourra rire de cette comparaison si l’on ne fait pas l’effort d’écouter cet opus. On y réfléchira à deux fois en revanche après écoute. Il est clair que Saez n’a pas un passé musical qui plaide en sa faveur. Au contraire. Chez les braves gens, reconnaitre à Saez le moindre talent, c’est le risque de devenir le pestiféré de la communauté, de devenir celui qui a perdu toute crédibilité. Personne ne dira que « A Lovers Prayer » est un grand album, et on ne sera pas dithyrambique envers Saez qui compile musiques médiocres et fautes de goût impardonnables depuis dix ans. Mais si on juge l’album plutôt que l’artiste, comme Saez semble nous le demander ici, en choisissant de sortir « A Lovers Prayer » sous un pseudo, on devra au moins dire « Bien essayé ». Et moi, je dis « Bien joué » ; et je suis sûr de moi.

Romain

lundi 23 février 2009

NTM : Suprême


Subversifs. Contre leur gré, porte-étendards d’un courant aussi social que musical, JoeyStarr et Kool Shen ont fait éclore le rap en France. NTM, machine destructrice et groupe phare du rap hexagonal. Phare au sens propre, celui qui met en lumière et permet de se situer. Parce qu’il faut dire qu’avant NTM, la culture hip-hop en France était balbutiante, plus qu’underground. JoeyStarr graffeur d’abord, puis danseur avec Kool Shen, et enfin rappeurs tous les deux. Mine de rien, les trois pans de la culture hip-hop. S’il est vrai que d’autres ont accompagné cette naissance du rap français (I AM, MC Solaar), c’est bien NTM qu’on retient à l’heure des comptes.

Parce que le duo dionysien fait forcément et toujours plus de bruit que les autres. MC Solaar, dès le départ, a choisi une direction différente, vouée à l’échec : Un rap édulcoré. Freins enclenchés, MC Solaar est très vite devenu le rappeur de bonne famille, le gentil rappeur noir cultivé. Celui dont on pouvait dire « Mais Solaar, j’aime, et puis quand même, il a fait des études !». En face, deux sauvages rappent primairement, sans technique, hurlent des « Nique ta Mère » à qui veut bien les entendre. Des concerts improbables sur des stades municipaux jusqu’au clip avec Nas, et aux plus grande salles, NTM est dans la conscience collective, LE groupe de rap. Et ce n’est même pas une vision erronée.

Il est possible que les Djs successifs (DJ S. tout d’abord) du groupe ont pu influencer le son de NTM, mais les deux icones étaient Kool Shen et JoeyStarr. Si les yeux sont rivés en permanence sur le second –ce qui est compréhensible-, les deux rappeurs ont eu, chacun à leur façon, la même influence sur le groupe. Il ne faudrait pas croire que JoeyStarr tire le groupe vers le haut. Sans Kool Shen, le Jaguarr perd ses repères et sa puissance inouïe. Le rôle de Kool Shen est plus besogneux que celui de JoeyStarr. Le premier travaille ses textes en temps et en heure, le second n’en fait qu’à sa tête. C’est bien le rap en ligne droite de Kool Shen qui permet au Double R de faire imploser ses cordes vocales, de rapper comme un fou, d’envoyer sa voix partout ou il peut. Véritable bête, sa voix grésille. Des grognements et des sons transformés dans la gorge, là ou on pourrait attendre une scansion claire qui permettrait de bien saisir les lyrics. Les paroles, que certains considèrent comme le seul intérêt de la musique rap, sont en réalités secondaires chez NTM. Oui, les titres et les mots permettent une critique sociale. Mais la violence et la puissance de la musique du groupe de Saint-Denis se suffisent à elles-mêmes et autorisent une compréhension globale du message. Mettre le feu. Représenter. T’insulter.

« Retour en force de l’ordre moral ? »

Quatre albums sur une décennie. Une montée en puissance médiatique au fil des ans qui permettra à d’autres artistes d’accrocher le train en route. « Suprême NTM » est le dernier album du groupe. Point d’orgue d’une carrière tumultueuse et sans concession jusque là (ce qui se passe plus tard, c’est autre chose), cet opus est une rafale de titres surpuissants. NTM ou l’envie irrépressible de tout fumer. Le shit, le CSA, la police, au choix. De représenter aussi, comme je l’ai déjà évoqué. « Seine Saint-Denis Style », musique de puissants, de crâneurs : « On vient de Saint-Denis et on t’emmerde ».

Et puis « Laisse pas trainer ton Fils » ou « Pose ton Gun », moralisateurs, qui répondent à d’autres cris : « On est encore Là » par exemple, un morceau et deux versions pour dire sans joliesse et dans un langage toujours cru, toujours vrai « Nique le CSA ». Ne pas trop réfléchir en amont, et dire ce qu’il y a à dire en somme. Peu importent les lyrics qui dénoncent, qui encouragent ou qui exaltent, peu importe que les paroles ne soient pas au gout de tous, de l’opinion publique ou des politiques, comme c’est souvent le cas dans le rap. NTM est et restera certainement le groupe de rap français qui a compté, et qui peut, sans baisser les yeux –ce n’est de toute façon pas le genre de la maison- soutenir la comparaison avec les plus grands rappeurs d’outre-Atlantique. Le groupe qui a su enflammer son propre esprit en s’appropriant une culture importée mais pas artificielle.

« Danger, Danger, j’ai dis Danger, Danger ! J’me sens à l’étroit, étriqué »

« Hardcore sur le beat ». Si NTM milite, c’est en fait pour une musique libérée de toute retenue. Du hardcore et de la puissance. Représenter encore et toujours,la grisaille du béton de Saint-Denis, comme une fournaise à création du hip-hop. « Suprême NTM » est un grand album de rap français. En résumé : Gueuler, Crâner pour représenter, faire savoir au monde que NTM est ce qu'il se fait de mieux dans son domaine, et que Nique Ta Mère ne se contentera pas de la seconde place. NTM a sans doute écrit une des pages les plus glorieuses de la musique française. JoeyStarr, junky notoire, et mec désagrégé ; et Kool Shen, garde-fou ultime, ont fait avancer la musique sans même s’en rendre compte. Et si l’évolution de leurs carrières respectives ne laisse pas la même impression, ce n’est au final pas très important. Il serait enfin inimaginable de renier NTM pour quelque raison que ce soit. Ils laissent aujourd’hui un cratère béant sur la chronologie de la musique hexagonale : Un pamphlet sonore long de 20 ans.

Romain

Très bon article sur l'évolution de NTM chez Alternative Sound

jeudi 19 février 2009

Du balbutiement de l'intérêt pour le classique.

La culture musicale s’acquiert au fil des années. La musique en général est un terrain de jeu immense, et tenter de s’y aventurer trop brusquement, c’est la certitude de s’y perdre. Cette sensation de n’avoir aucun repère, de ne pas avoir de points de comparaisons, de panneaux indicateurs, c’est ce qui m’arrive en ce moment : Depuis quelques semaines, j’essaie de m’initier à la musique classique. J’aurais attendu 21 ans pour débuter cette entreprise ambitieuse, autant dire une sacré perte de temps.

A qui la faute ? A moi, c’est certain. Mais pas seulement. Il y a dans la musique classique (n’ayant pas encore acquis le vocabulaire suffisant, on me pardonnera volontiers mon langage orphelin du jargon adéquat) en général, et plus particulièrement chez les auditeurs exclusifs de cette musique, un je-ne-sais-quoi pédant et snob, assez comparable en fait, à ma vision de la musique populaire, et à ma propension à rabaisser la musique du tout-industriel. Mais cette posture n’est pas totalement identique. Pour certains, la musique populaire (non-classique) est profane. Elle n’a pas droit de comparaison avec le classique, pour la simple et bonne raison qu’à priori, le sacré n’a rien à voir avec le profane. La musique populaire serait un enfant renié ; la honte de la famille.

Tout cela n’est qu’une impression, un ressenti face à des comportements. Un professeur qui, d’un ton paternaliste –du ton de celui qui sait – vous assène sans la moindre pitié : « Les jeunes, écoutez de la musique, de la vrai : Écoutez Mozart. Écoutez Chopin. ». Son discours est pourtant celui d’une personne qui ne sait pas. Qui ne sait pas que la musique populaire peut être aussi puissante, aussi sacrée que la musique de nos lointains aïeux. Qu’en effet, il n’y a pas à comparer Beethoven à Jimi Hendrix, Schubert aux Beatles ou Wagner à Radiohead. Pas parce qu’on ne compare pas le sacré au profane. Mais parce que la musique est un art, indivisible, et que si les genres musicaux sont innombrables, il n’existe au final que deux types de musique (vous connaissez la suite). Peu importent les qualités techniques. Si cela était l’essentiel, les Satriani, les Van Halen, le Rock Progressif feraient et seraient les plus belles musiques. Au lieu de ça, se sont les plus grossières, les plus dégoutantes. Pour moi qui arrive d’un univers relativement pop, la qualité de composition de ces artistes classiques n’est pas l’intérêt principal. Le principal, c’est la puissance non quantifiable qui émane des pièces que j’ai pu jusqu’ici écouter. Certes leur talent de composition et de création, parfois la complexité de leur musique sont des outils. Mais ils ne sont pas une finalité. Voilà pourquoi je dis que je n’ai pas à choisir entre Beethoven et Hendrix. L’un n’est pas plus artiste que l’autre. La musique du second n’est pas moins essentielle que celle du premier. Hendrix et Chopin ont fait de la grande musique. A ce niveau là, on ne peut pas jouer à qui a la plus grosse.

Longtemps, le classique n’a été pour moi qu’une musique bourgeoise et poussiéreuse. Les retransmissions télévisées étaient un calvaire. De vieux hommes dégarnis ou bedonnants, l’air hautain, qui jouaient de la musique, tandis que le film était couvert d’un filtre verdâtre et glauque. Ça puait le vieux, le renfermé ; ça craignait réellement. Tout le contraire de ce que j’ai découvert récemment. La musique de Chopin et l’Etude 12, numéro 10 et ses incroyables variations sonores. Le calme, puis la tempête. Une puissance inouïe, une musique rock avant l’heure. Bien plus rock que beaucoup de groupes qui s’en revendiquent aujourd’hui. Et la Sonate 2, Op 35, connue de tous, souvent sans en avoir conscience. La Marche funèbre, dont je n’avais entendu que quelques secondes en boucles en plus de vingt ans. Je crois donc avoir découvert ce qui me plait, et me plaira dans la musique classique. L’énergie rock, la folie, la puissance. Le fait que des notes de pianos et d’autres instruments acoustiques puissent créer le chaos autour d’eux. Ce qu’on retrouve chez Chopin, chez Beethoven aussi.

Le problème, c’est que lorsqu’on souhaite découvrir la musique classique, on trouve très peu d’aide. On doit se débrouiller seul ou presque. Les conseils paternalistes ou méprisants de ceux qui savent, l’incessante glorification de cette musique, le combat d’arrière garde qui les anime, la volonté que le monde reste dans son ignorance s’il n’accepte pas de renier sa culture musicale et de dire « Oui, la musique populaire est blasphématoire, honteuse et profane. Il n’y a que la musique classique qui soit un art noble ». Je ne veux pas de leurs conseils à eux. A l’inverse, et plus putride encore, André Rieu, et sa prétendue tentative de démocratisation industrielle de la musique classique. La démarche de Jean-François Zygel me semble plus respectable. Pas puriste non plus, mais digne, ludique et amusante, son émission télé permettait à l’ignorant le plus complet que je suis, d’acquérir les toutes premières bases d’une musique qui reste aujourd’hui encore, représentée par un certain nombre de personnages pédants, chiants et puants.

La musique en général est un terrain de jeu immense, et tenter de s’y aventurer trop brusquement, c’est la certitude de s’y perdre. Depuis quelques semaines, j’essaie de m’initier à la musique classique. J’ose espérer que cette entreprise me permettra de découvrir toujours plus de musique intéressante. Désormais je sais que si je veux du classique, ce sera pour le feu et la décadence. Peut-être une mauvaise raison, mais une raison quand même. Si je n’ai aucune légitimité en ce qui concerne cette musique, je ne m’interdis pas combler mes lacunes. Partiellement dans un premier temps, soyons humbles. Sur le théatre de ma ville, une citation d'André Malraux : "La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert" (Discours sur l'Acropole). Pas sûr qu'elle soit ici dans le bon contexte, mais force est de constater que, malgré les outils dont nous disposons (l'internet en fait largement partie), la conquête reste laborieuse.

Romain.

PS : vous l’aurez compris, je serais très heureux de recevoir une multitude de conseils pour m’aiguiller. Tant qu’ils ne sont pas ponctués d’un infâme « C’est tout de même autre chose que… ». Merci !

Photo : Chopin, fin de vie.

mercredi 18 février 2009

Zone Libre, Hamé et Casey - L'Angle Mort


En préambule, je remercie Alternative Sound d’avoir évoqué l’Album de Zone Libre & Hamé & Casey, L'Angle Mort, sorti ce mois-ci. Cette collaboration osée nous montre bien une nouvelle évolution de la musique francophone. Dos à dos pendant longtemps, rap et rock étaient aux antipodes de la carte musicale française. On se souvient NTM qui voulait tuer le rock en s’appropriant son énergie. Rien de tout cela aujourd’hui avec Zone Libre (Teyssot-Gay – Noir Désir–, Cyril Bilbeaud, Marc Sens), Hamé (La Rumeur), et Casey, qui proposent pour la première fois en France une furieuse fusion Rock/Rap. On est bien sûr bien loin des caricatures telles que Linkin Park et autres. On est en revanche plus proche de ce qu’avait fait La Rumeur sur son dernier album, avec le morceau « Je suis une bande Ethnique à moi tout Seul », déjà à l’époque en collaboration avec Serge Teyssot-Gay.La genèse de cette fusion date de 2001 déjà, époque ou La Rumeur faisait les premières parties de Noir Désir.

« Angle Mort » est un album sombre, et violent. L’électricité du rock se mêle sans problème avec la hargne du rap, ce qui tend à prouver qu’en musique, ils n’y a pas de mauvaises expériences, mais de mauvais chimistes. Ici, la batterie est puissante et martèle le rythme sans hésitation, les guitares se répondent en permanence. A la première, grasse et saturée, les notes de la seconde, tirées en rafale, lui répondent et s’enfuient vers des aigus indécents. Le tout donne une musique folle, noire et bruyante.

Les deux rappeurs quant à eux, Casey et Hamé, distillent leurs flows puissants, répétitifs, ce qui nous permet de nous imprégner de l’ambiance sonore (à laquelle ils contribuent totalement), et de rentrer de plein pied dans le disque. Comme dans les albums de la Rumeur, les lyrics se veulent dénonciateurs, mais jamais simplistes. Aisément reconnaissable, le flow de Hamé tient la baraque, rappe horizontalement, sans fioritures. Casey se charge de la verticalité avec un flow moins posé, mais tout aussi puissant. L'avant-dernier titre « La Chanson du Mort Vivant » aurait aussi pu donner son titre à cet opus. Elle nous embarque dans une virée grise et urbaine, contemporaine surtout. Zone Libre, Hamé & Casey parviennent totalement, avec leur musique dépravée et décadente, à montrer à l’auditeur une facette de ce qu’est, au final, la subversion en musique.

Zone libre, comme son nom l’indique, envoie moisir tous les codes plus ou moins établis en terme de musique. Un son en dehors des sentiers battus, qui sans se soucier de la prétendue distance entre les deux genres, nous rappelle avec talent que rap et rock sont, et ont toujours été très proches.

Romain.

lundi 16 février 2009

Orelsan - Perdu d'Avance

Il y a quelques jours j’évoquais la sortie du premier album du rappeur Orelsan. « Perdu d’avance » débarque finalement aujourd’hui chez les disquaires, et j’ai écouté cet album. Finalement, il faut bien avouer qu’il s’agit d’une demi-déception.

Le plus décevant étant sans doute la production dirigée par Skread (Booba, Diams). Il se trouve que l’utilisation abusive de vocoders et autotunes à été de mise sur l’album, clairement pour suivre une grosse tendance de ce début d’année 2009 (divers exemples au hasard : La Fouine, Kanye West). Là ou on attendait de l’originalité de la part d’un rappeur qui se veut en dehors de la mode actuelle, on retrouve sur l’album l’un des procédés les plus usités du moment. Ca commence sur le titre d’ouverture « Etoiles Invisibles », et ça continue façon Daft Punk sur « Soirée Ratée ». Ces modifications vocales sont enfin utilisées sur « Entre bien et Mal » et « La peur de l’Echec ». Pas adepte des vocoders, je trouve que cet album a déjà perdu quelques points de crédit rien qu’avec cela. Si certaines tentatives ne sont pas trop loupées, la plupart d’entre elles sont tout de même relativement piteuses, d’autant plus qu’une version plus analogique aurait bien mieux sonné semble-t-il.

Aussi les productions de Skread, si elles savent parfois marquer par leur efficacité, ne sont généralement pas enthousiasmantes. Elles font cependant le travail pour accompagner le flow d’Orelsan qui, s’il n’est pas le plus technique qu’on n’a jamais entendu, est quant à lui original, et en adéquation avec les lyrics. Attention cependant, Orelsan n’est pas un Fuzati génétiquement modifié, et contrairement à celui-ci, le rappeur caennais dispose d’une certaine technique, même si celle-ci n’est pas foudroyante.

« J’distribuais des CDs dans l’hexagone pendant qu’tu distribuais tes CVs dans les Mac Do.
Alors j’comprends qu’tu voudrais faire un feat., mais moi j’voudrais un Big Mac et une grande frite ! »


Mais il est clair que l’intérêt de l’album est ailleurs. Orelsan est un énorme punchlinemaker. Loin d’un discours formaté, il rappe en vrille, fait rire souvent avec textes cruels, drôles, désabusés aussi. Dans le rap, certains évoquent souvent la crédibilité artistique. Orelsan balaie tout ça d’un revers de manche, et y va même de quelques pics envers certains rappeurs : « Continue de rapper des mythos, tu l’fais si bien ! Tu parles de douilles et d’plomb mais t’es électricien » (Jimmy Punchline).

Les morceaux ne sont pas tous de qualité égale, et l’album alterne en permanence entre hauts et bas. Parmi les bas, il y a « Logo dans le ciel ». Un son trop lourd, qui se traine, et qui manque cruellement de fluidité. On retiendra malheureusement aussi « Gros poisson dans une petite Mare » et son refrain chanté par des enfants, ce qui n’est pas une franche réussite.

Mais avant de pouvoir apprécier tous les lyrics de ce premier opus, il faudra l’écouter quelques dizaines de fois (ce que certains n’arriveront pas à faire, la faute aux défauts précédemment cités qui peuvent être rédhibitoires). Les thèmes, entre cul, humour et dépression, sont souvent traités sous un angle novateur. « Perdu d’Avance » n’est pas qu’un disque de blagues, c’est aussi un album sombre qui évoque une certaine réalité. Derrière une légèreté de façade, on trouve le récit d’un quotidien maussade plus en profondeur. Loser de ville de province, Orelsan rappe pour ceux qui lui ressemblent. Pas hype, pas gangster, juste la retranscription d’une certaine médiocrité assumée : « Perdu entre les bonnes meufs intouchables, les beaux gosses populaires, les p’tits bourges prétentieux, les gamines rebelles trop vulgaires […] C’est pour les gens différents, les déviants, les feignants » (No Life).

« J’ai peur d’être normal, d’être moyen : ni trop mal ni trop bien ;
j’crois que j’sers à rien »


Etrangement, cet album, dans la dualité de thèmes légers et noirs, pourrait faire penser à celui de James Delleck. Entendons nous bien, certainement pas au niveau de l’écriture, ni des thèmes abordés, bien sûr. Mais l’alternance de titres légers et d’autres plus graves sont présents sur les deux opus. Ca sera par exemple « 15 ans » chez James Delleck, et « Entre Bien et Mal » ou « La Peur de L’Echec » notamment chez Orelsan. La comparaison s’arrête en revanche ici. Aucun autre rapport entre les deux rappeurs. Par ailleurs le caennais n’avait pas spécialement besoin de rapper sur des thèmes fondamentalement sombres : au fil des titres, certaines punchlines désabusées nous prennent par surprise.

Finalement, Cet album est agaçant. Parce qu’il aurait pu être une bombe dévastatrice en ce début d’année 2009. La faute aux productions, ce n’est pas le cas. Rien à dire en revanche sur les lyrics d’Orelsan, foisonnants, divers et très bien écrits pour la plupart. Heureusement, Orelsan n’a pas eu la mauvaise idée de ne placer sur son premier opus, que des morceaux cocasses qui l’auraient à coup sûr fait plonger dans la caricature du rigolo découvert sur internet et oublié aussi vite. On espère pour lui en tout cas.

Romain

samedi 14 février 2009

Psykick Lyrikah - Des Lumières Sous la Pluie

Le problème du rap en France, c’est qu’il ne sait pas être tempéré. Soyons clair, la France a toujours été un grand pays de rap, aussi vrai qu’elle n’a jamais été un grand pays de rock. Le problème donc, c’est que le rap en France file à toute allure d’un extrême à l’autre. Il y a bien sûr les Ovnis, mais en dehors de ça, on a le choix entre le rap des rigolos et celui des bœufs à phallus prétendument surdéveloppé.

Au milieu de tout cet univers bouillonnant pourtant, certains groupes parviennent à emprunter une autre voie. C’est le cas de Psykick Lyrikah, groupe rennais, qui sort en 2004 son premier opus : Des Lumières sous la Pluie. Une galette teintée d’electro, résolument rugueuse, sombre, et empreinte de mélancolie et de rage.

Appuyées par la production parfaite de Teddybear, les diverses compositions de cet album contribuent à la mise en place d’un décor nocturne et glauque même, parfois. Une musique qui s’octroie une part de choix et qui joue à armes égales avec le flow et les paroles d’Arm, le MC du groupe. Pour exemple, de nombreux titres sont des instrumentaux : « Fraction » avec Robert le Magnifique, ou encore « L'Homme errant » avec le guitariste Olivier Mellano (qu’on retrouve sur « Trois Lettres Rouge sang » et son riff post-blues). Ces instrumentaux viennent s’immiscer entre les titres rappés comme autant d’interludes capables d’immerger l’auditeur dans cette rêverie grisâtre. Une rêverie qui n’en a que le nom. Une virée dans les nuits urbaines, pluvieuses et sans un sourire.

Les ambiances particulièrement sombres sont retranscrites à la perfection par les textures sonores de TeddyBear. « Vois » par exemple, et ses vagues aiguës et sinueuses, ou bien encore le dernier morceau de l'album : « Des Lumières Sous la Pluie ». Celui-ci marque l’auditeur par sa force. Une intensité sonore et musicale, amplifiée tant par le flow d’Arm, que par ses lyrics (Mention spéciale sur l'ensemble de l'album au talent d'écriture indéniable d'Arm, et à son rap habité). « Des Lumières sous la Pluie » est peut-être, s'il fallait n’en citer qu’un, le titre le plus abouti de ce premier opus. On mentionnera enfin le single « La Sphère », tout à fait représentatif du reste de l’opus, qui se conclut par une envolée de Scratch assez bluffante.
Il convient enfin de souligner l'extrême classe des paroles, poétiques peut-être, en tout cas absolument fluides et recherchées. Alors qu'on nous vend depuis quelque temps des morceaux à texte pour nous cacher une absence de création musicale originale ; Psykick Lyrikah prouve que textes de qualité n'interdisent pas les compositions réussies et travaillées.

« Des Lumières sous la Pluie » est un album de hip-hop français comme on n’en trouve que trop rarement. Des instrus sombres et dérangeantes, qui fuient souvent vers l'electro, et le flow d'Arm, ses lyrics, font de cet opus un objet unique. Le sceau « Psykick Lyrikah » a entre autres choses le mérite d'être reconnaissable parmi cent. Au delà du rap des rigolos, Psykick Lyrikah nous propose, à mi-chemin entre noirceur et mélancolie, un rap français, à la fois indépendant, sombre, et réussi. Et plus encore que des sentiments et des émotions, cette œuvre promet à l’auditeur une virée introspective. Il faut prendre le temps de rentrer complètement dans l’album de Psykick Lyrikah, prendre le temps de décortiquer tous les lyrics pour enfin entrevoir le sens de cet opus. : Une certaine remise en question, un face à face avec une réalité sombre, mais pas désespérée pour autant. « Et des victoires faussées par l’ennui, belles comme des lumières sous la pluie ».

Romain.

vendredi 13 février 2009

Radiohead - Amnesiac


Quelle mouche m’a piqué ? J’entends venir au loin les conseils un brin inquiets : « Mais Romain, que fais-tu, tu parles d’un album du plus grand groupe contemporain (NDLR : pour schématiser), tu vas te faire lyncher sur la place publique par les blogs musicaux enragés. Ta chronique va forcement provoquer controverses et accusations ! » (J’espère bien !).

Mais avouons le, rien de tel qu’une chronique d’un album de Radiohead pour attirer le chaland n’est-ce pas ? Certes, pas de « Karma Police », ni même de « Creep » (merci mon dieu !) sur Amnesiac (2001), mais un chapelet de morceaux qui, réunis, forment selon moi, le meilleur album du groupe britannique.

Parce que « Amnesiac » n’est pas un banal album. Il métamorphose un grand groupe en pionnier d’un genre, en chercheur d'or. Si l'opus précédent était l'occasion de rentrer d'un pied dans l'electro et la créativité vraiment, les guitares électriques y étaient tout de même très présentes. Faisant fi des déclarations publiques à la sortie de Kid A, au cours desquelles le groupe promettait un retour à un son plus rock, « Amnesiac » porte son titre à la perfection. Comme un pied de nez à la presse et aux auditeurs ; Radiohead a souvent eu la bonne habitude de prendre tout le monde à contre-pied.

Amnesiac est un album froid, taillé dans un ordinateur malade, fatigué. Les ombres des glaciers du nord dansent en contrebas des onze pièces originales de cet opus. Capable de déconstruire un morceau pop, de le passer au filtre des robots, et de le jouer et le chanter, comme souvent, à la perfection, le groupe originaire d'Oxford ne fait jamais rien comme on peut l'attendre. Si l'album est enduit d’une couche d’acier froide et grise, et les expérimentations traversent de part en part le travail du quintet britannique, les morceaux de pop, de ceux qu'on cite sans problème comme des références, sont toujours présents.

Radiohead et sa logique implacable, son sens de la mélodie, de l'idée qui va transformer un morceau sympathique en œuvre d'art, de l'expérimentation utile et réussie. Le groupe parvient parfois à canaliser tous les traits de ce portrait pour créer des chansons intemporelles. Pas les plus connues du grand public. Les « Creep » et consorts sont de jolies chansons, mais ce n’est certainement pas là-dessus que Radiohead se démarque de la masse.

Si « Knives Out » ou bien encore « Pyramide Song » marquent par leur évidence pop, leurs mélodies soignées ; ces titres ne sont pas non plus les plus essentiels de cet album. Certains penseront que « Pyramide Song » est un chef-d’œuvre, comme « Everything in its Right Place » en était un sur « Kid A ». Je ne peux décemment pas contredire cette affirmation qui relève du bon sens. Mais mon discours est tout autre, et la question est la suivante : Quels sont les titres les plus essentiels de cette album? Quels sont ceux qui poussent l'imaginaire du groupe le plus loin, et qui tentent d'approcher, sans se mentir, l'essence de la création?

S’il me semble que plusieurs pièces d’Amnesiac pourraient prétendre à ce rang de prestige, la folie d'un en particulier semble plus apte que tous les autres à y accéder. « Life in a Glasshouse ». Le titre est lâché, sans hésitation possible. Un morceau à l'évolution lente et dramatique, marqué par ombres glacées, directement extraites d'une section de cuivre aussi improbable qu'imparable. Ce morceau n'est pas une furie rock, ce n'est pas le titre efficace d'un groupe sûr de lui. C'est au contraire un morceau un peu mal en point, un bonhomme un peu chétif, pas très beau, la paupière tombante. Ce morceau c'est un peu Thom Yorke.

La froideur et la distance apparente, la protection, que les cuivres -qui tentent de se rappeler le jazz- n'arrivent pas totalement à semer. Une sorte de distorsion entre deux points opposés qui déchire le morceau pour lui offrir une incroyable puissance. Un crescendo à bout de souffle, tout comme la voix de Yorke, pour conclure un grand album en explosion sonore : On détruit tout.

Romain.

jeudi 12 février 2009

Rock Playlist Conquest

G.T (encore et toujours lui) proposait récemment à chaque blogueur (ou non-blogueur d'ailleurs) de composer une playlist dans le cadre du "Rock Playlist Conquest" ; et en anglais dans le texte s'il vous plait ! Aussitôt dit, aussitôt fait (ou presque), et voici ma petite playlist personnelle, pas très cohérente, je le concède, peut être trop ecclectique, je ne sais pas.
Enfin bref, La cuvée de La Cave, ça donne ça :



Romain.

Ddamage - Radio Ape


Terroristes en guerre contre tympans formatés, les deux frères du groupe dDamage livrent « Radio Ape » en 2004. Si l’on devait classer cet opus, on dirait qu’il est le rejeton d’une electronica dérangée et d’un hip-hop noisy. Rentrer pour la première fois dans Radio Ape n’est pas une sinécure, et l‘auditeur vierge de ces sonorités sera sans doute déstabilisé, tant les sons et les bruits sont foisonnants, se mêlent, et semblent complexes à déchiffrer.

Après plusieurs écoutes néanmoins, le troisième album des frères Hanak livre ses secrets plus en détails. Du puissant, du lourd, du saturé : une musique anticonformiste, expérimentale, pousse-au-crime. Et « Pressure », titre d’ouverture, est en parfaite symbiose avec cette ambiance. Une rythmique imposante de laquelle jaillit une multitude d’effets sonores en fusion. Dans la même veine, « I Feel so Badd » est certainement le titre le plus rock de cet opus. Un riff déconstruit côtoyé par un chant grésillant, presque inaudible.

Si la puissance sonore est une qualité chez Ddamage, le groupe sait par ailleurs accorder quelques répits à l’auditeur. Sur « Aeroplane » par exemple, ou encore « Agueev » ou les rythmiques se veulent moins matraqueuses, au profit d’un beat composé de dizaines d’éléments distincts. De la complexité, il y en a chez Ddamage : Certes leurs compositions furieuses et saturées offrent à l’album une puissance inouïe, mais leurs productions retenues servent de contrepoids parfait, et contribuent au maintien d’un équilibre certain.

Et « Tsunamii », titre de clôture, jouit d’un crescendo sonore extravagant et parfaitement réalisé. Sorte de translation du post-rock à la musique de Ddamage, « Tsunamii » ne cesse d’évoluer au fil des minutes. Tout en conservant le même thème, les ingrédients viennent un à un s’ajouter au squelette du morceau, pour former finalement une cacophonie grandiose.

Romain.

Ferme ta gueule ou tu vas t'faire marie-trintigner !


Moi qui tapais récemment sur les Inrocks, c’est finalement chez eux que j’ai pu lire la bonne nouvelle. La nouvelle en question, c’est la sortie du premier album ("Perdu d’Avance")du rappeur normand Orelsan, dont je parlais déjà ici.

« Perdu d’Avance » sort donc le 16 Février. N’ayant pas encore écouté l’album, je ne peux pas en parler (logique oui), mais tout le monde pourra se faire un avis en écoutant les extraits de l’album sur le Myspace d’Orelsan. On peut déjà évoquer son flow improbable et unique, mais aussi et surtout sa propension à aligner les punchlines sans se freiner. Le MC originaire de Caen propose un rap réaliste aussi drôle que sombre. Et sans trop s’avancer, on peut dire que ce debut album montre encore une fois la créativié du hip-hop français. Certains n'aimeront pas, c'est certain, mais c'est au moins à écouter.

Romain.

mercredi 11 février 2009

Birdy Nam Nam - Manual for Successful Rioting


Birdy Nam Nam : Groupe de Djs turntablists français. Ont par erreur sorti un album éponyme enthousiasmant. Reviennent en 2009 avec un second opus, « Manual for Successful Rioting ». En partie produit par Justice…
Comment avons-nous pu être si naïfs ? Bernés par des gens ayant sévi aux côtés d’Alliance Ethnik, de Raggasonic, de Triptik. Si l’album éponyme apportait de la fraicheur à l’électro française, ce second opus est une catastrophe dancefloor. Et ce n’est pas l’avis des Inrocks - et autres références - qui me fera changer d’avis.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’album ne fait pas dans la finesse. Quel mal à cela, me direz-vous. Aucun en principe, mais lorsque dans les faits cela ressemble à cette livraison, ça pose beaucoup plus de problèmes. Les quatre Djs, dont on pouvait légitimement fonder grand espoir d’être porte-étendards français de cette discipline, se sont métamorphosés en faiseurs de sons lourdauds, puissants certes, mais qui n’ont pour but que de faire danser clubbers déchirés. Et si certains titres échappent à cela (Space Cadet Apology), ils s’enferment tout de même dans une production du passé, ce qu’avait largement esquivé l’opus précédent, tentant la fusion des genres sans trop de casse. Pas de manuel pour émeute réussie. Nulle part.

« Trans Boulogne Express » est une référence à Kraftwerk ? C’est tout au plus un pastiche de Daft Punk. Et pour le coup, le titre « Homosexuality » aurait pu figurer sur l’album de Sébastien Tellier, tant les nappes sonores se drapent d’une même couche de moisissure.

Que penser enfin de « Worried » ! Je ne dis même pas que ce morceau est inaudible. Là n’est pas le propos, et ce n’est de toute façon pas exact. La question fondamentale est la suivante : Dans quelles conditions un tel titre peut-il être apprécié ? Et force est de constater que les circonstances dans lesquelles « Worried » (et autres) peut être écouté sont plus que minces. Un morceau pour Dj de club, rien de plus. A deux heures du matin, pour donner un coup de chaud, parfait, tout ça. Mais essayez juste d’écouter ce morceau comme on écoute n’importe quelle musique, en partant du postulat qu’il s’agit, à priori, d’une œuvre d’art : C’est dans des conditions normales d’écoute que l’album de Birdy Nam Nam prend toute son ampleur dans le grotesque. Une musique qui ne peut pas exister en dehors d’un carcan très fermé, codifié.

Si la formule journalistique surannée veut qu’on aborde un second album sous l'angle de la confirmation, celui de Birdy Nam Nam est une déception. En dehors de toute référence à la discographie du groupe, c’est juste un mauvais disque.

Romain.

lundi 9 février 2009

Playlist, Part.I

De jolies chansons, il en existe beaucoup. Le plus difficile étant de faire tomber l’amateur de musique dans un environnement extrait de tout cynisme. Parce que nous le savons, le chroniqueur est moqueur et sans pitié. Par-dessus tout, il raffole de certains termes. Au hasard : mielleux, grotesque, pathétique, cliché, sirupeux, et j’en passe.

Je disais donc qu’il existe une multitude de jolies chansons, et en tous genres. Moins cependant que de chansons niaises et débiles, d’un sentimentalisme outrancier ; à en gerber. Courir arracher l’émotion à l’auditeur, par des moyens douteux, et à des fins peu avouables. Facile de faire le distinguo cependant entre les deux. Les unes arrivent à grands pas, se dandinent, jouent la comédie. Leur geignardise nous irrite dès les premières secondes. Les autres se faufilent aux oreilles comme une évidence, sans nous laisser le temps de cogiter trop longtemps.

Cette classification, bien que subjective, ne laisse pas tant de place au hasard que cela. La majorité des titres grotesques sont repérés au premier coup d’œil par la plupart des gens sensés. Il existe cependant des exceptions, des cas particuliers, des controverses ; la musique n’étant heureusement pas un domaine de thèses établies et irréfutables. Entendons nous bien : dans la limite du raisonnable et du bon gout.

Voici donc une playlist de dix-huit morceaux de classe supérieure. Par leur intensité inouïe, ou simplement parce qu’elles relèvent d’émotions fortes. La colère, la mélancolie, le spleen, etc. Pas de continuité stylistique en revanche, juste des titres sélectionnés avec toute ma subjectivité ; et un zeste de bon sens, aussi.




Romain.

samedi 7 février 2009

Why? - Alopecia


Une note de six sur dix pour « Alopecia » de Why?. Ça ne se fait pas. Ça ne se fait vraiment pas, pourtant, notre ami G.T a osé, à mon plus grand dam. Que tout le monde se rassure, je ne vais certainement pas aligner les coups en dessous de la ceinture ; ça ne se fait pas, paraît-il, entre blogueurs. Mais tout de même, il a avoué, au travers de son classement, préférer Foals (palpitant), à mon petit protégé, l’Américain du label Anticon, le trouvant « surestimé » (promis, les dénonciations, c’est terminé !).

Why? n’est pas un banal groupe de pop. Il nous offre la joie, au fil de ses albums et autres Eps, de constater son incessante évolution musicale. Une évolution dans un labyrinthe, une toile musicale, des portes d’entrées et de sorties aussi nombreuses que trompeuses. Une évolution dans un univers de débrouille sonore, de petites arnaques : collages, découpages et idées foutraques, en tous sens, sans jamais cesser de servir sa propre musique. De ce troisième opus, difficile de ne retenir qu’une chose. On reconnaitra en revanche que Yoni Wolf se mue en paon un brin crâneur, dès le premier titre « The Vowels Pt2 ». Paon crâneur parce que relativement sûr de lui, l’Américain propose un titre imparable. La rythmique originale à souhait, la basse comme un marteau qui enfonce le clou d’un chant en dehors de toute comparaison possible. Si ce premier titre est une grande claque, Yoni Wolf, malgré les apparences, n’ôtera jamais son costume d’antihéros touchant.

Imposant son style là ou d’autres paraitraient ridicules, Why? et sa voix servent à la perfection une production d’une grande inventivité. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Américain n’a pas hérité d’une grande voix, ou plutôt, qu’il n’était pas spécialement prédisposé à être chanteur. Disons en revanche que les phrasés hérités de l’aventure Clouddead, les intonations qui font mouche par leur exactitude musicale, ou la voix reconnaissable parmi cent, font de Why? non seulement un chanteur atypique, mais aussi et surtout brillant. Depuis longtemps maintenant, on sait que les grandes voix ne font pas les grands chanteurs.

Si la voix du chanteur est un atout de l’album, si les compositions marquent par leur originalité, les textes de la formation ne laissent pas l’auditeur en reste. Les lyrics, comme toujours depuis les débuts d’Anticon, oscillent allègrement entre humour déroutant, poésie surréaliste et noirceur enfantine. En témoignent les étranges paroles de “Good Friday” (« if you grew up with white boys/who only look at black and puerto rican porno/cause they want something that their dad don't got/then you know where you're at » ). Étranges affirmations pour étranges morceaux. Rien d’anormal tout compte fait !

Et au groupe de dérouter l’auditeur en lui faisant quelques frayeurs ! L’intro de « These Few Presidents » par exemple, et sa boite à rythme chétive et sans saveur. Finalement, le morceau se met en place au bout de quelques secondes, et la grâce de Yoni Wolf reprend le dessus sans forcer. Chaque morceau est équipé d’un passeport sonore, directement sorti d’une cervelle en ébullition : plus qu’une voix, Why? est un concept. Sous couvert d’une musique pop de facture classique, le groupe (tiré vers le haut par un frontman génial) tente de multiples expérimentations sans rebuter par une quelconque difficulté d’accès.

Je ne ferais pas un catalogue de l’album, morceau par morceau. Aucun intérêt. On retiendra en revanche la classe de cet opus, jus de musique concentré à son maximum, sans temps mort, sans futilités, sans même un raté. De ses débuts hip-hop, il ne reste ici que quelques incursions timides, comme des réminiscences de créations passées. Si sa musique va de l’avant, Why? gravit sans inquiétude, une nouvelle marche. Ce n’était pas la première. Pas de classement pour cet album, pas de titre de gloire non plus, il n’en a pas besoin.

Romain.

vendredi 6 février 2009

Sebastien Tellier - Sexuality (ou pas)


Une infâme jardinière de légumes, époque cantine scolaire. Voilà ce qu’est « Sexuality », par Sébastien Tellier. Cet album est à l’électro ce que le sky est au cuir, Skyrock au rap ou U2 au rock : En clair, la plus basse fange. Comment la critique a-t-elle pu, majoritairement, saluer un album de ce niveau ? Encore aujourd’hui cela reste un étrange mystère. Tout de même, la hype n’explique pas tout. Ne peut pas tout expliquer. De « Sexual Sportswear » (le single, un chemin de croix de sept minutes, autant dire une éternité !) à « Pomme », en passant par le grotesque « Roche », rien à sauver de ce Titanic.

Parlons-en de « Roche », puisque la musique prime sur le reste. Une mélodie dégoulinante, appuyée par un timbre de voix et une interprétation maniérés au possible. On est déjà pas loin de la machine à claques. Rien de spécial à signaler sur le beat en revanche. C’est fade. Quand aux textures électroniques, elles nous rappellent les balbutiements de la musique par ordinateur, et son lot de sonorités cartonneuses. Il en sera ainsi sur tout l’album. Mais le plus effarant est à n’en point douter « Kilometer », comme une improbable fusion entre Michael Jackson, Pharell Williams et les années 80. Un monstre en somme.

« Sexuality » est un naufrage. Et si le capitaine du navire tente de sauver ce qui peut l’être encore sur « Divine », force est de constater que ses efforts sont vains. Le tube semble plus digne, moins piteux que le reste de l’opus, et si la mélodie demeure une semi-satisfaction, le titre n’en reste pas moins trop rigide, factice. Les sommets de « Sexuality » sont des collines, ses minutes creuses en revanche, rivalisent de profondeur.

« Sexuality » n’a d’évocateur que le nom. Rien de profondément sexuel par ici, ça ne pue même pas le sex-shop vicelard. Rien ! C’est bien beau de vouloir parler cul et jouer la carte sulfureuse, mais les intentions ne sont pas des actes.

Romain.

jeudi 5 février 2009

Caught by the Fuzz


De nombreux groupes ne parviennent au sommet de leur art qu’avec le premier titre de leur carrière. Ca ne veut pas dire que tout le reste de leur discographie est en deçà, mais que ce premier titre, celui qui lance une carrière, est doté d’une énergie phénoménale. Et les exemples sont légion. Dans les années 90, l’illustration la plus flagrante de cette idée est certainement « Caught by the Fuzz » de Supergrass.

Un morceau adolescent, pourvu d’une sève diabolique et d’une candeur, crétine pour certains, enivrante pour d’autres. Un titre d’à peine plus de deux minutes, à mi chemin exactement entre pop et punk. Contant la mésaventure d’un gosse choppé par la police pour détention de C., le sujet du titre n’est pourtant pas essentiel.

Plus important, l’instinct rock de ce power trio, et l’intensité du chant rageusement projeté par le guitariste Gaz Coombes, font de ce titre un classique de rock britannique 90’s. Extrait de « I Should Coco », leur premier album (1995), « Caught by the Fuzz » s’élève au dessus de la mêlée, et surpasse sans problème l’autre tube de ce premier opus (« Alright »). Par la suite, aucun de leur demi-douzaine d’albums n’a révélé un morceau d’une telle ampleur rock. Supergrass a certes continué à composer de bons titres, mais plus un seul n’a jusqu’ici retranscrit la même urgence d’entre deux âges.





Romain.

Beirut - Gulag Orkestar


La vingtaine tout au plus, et déjà un talent d’une extrême insolence. Zach Condon n’entame pas encore sa troisième décennie, que le très balkanique « Gulag Orkestar » s’impose dans les bacs, comme un cheveu sur la soupe musicale ambiante.
Pari osé s’il en est, Beirut propose une pop aux saveurs d’est européen. Et tant pis pour les comparaisons d’usage aux films d’Emir Kusturica et autres disques de Goran Bregovic. Analogie aussi complaisante qu’inexacte. Parce que le jeune américain propose brillamment, au fil de ce premier opus, une musique originale, mélancolique, gorgée d’émotion ; et aux fanfares orientales de surélever le tout.

A mi-route entre pop, folk et musique traditionnelle, « Gulag Orkestar » n’en finit pas de dévoiler ses charmes. La voix de Condon, d’une classe presque indécente, rendrait jaloux bon nombre de chanteurs, à n’en pas douter. Gracieuse, alerte et prenante à la fois, elle agit sur cet opus comme un coup de poing supplémentaire, alors même que la musique aurait pu se suffire à elle-même. Une musique hybride justement : les guitares se mêlent allègrement aux trompettes, parfois aux notes synthétiques pour former des pierres taillées à la perfection. Zach Condon fait perdre à l’auditeur toute notion de réserve ou de méfiance. Sans crier gare, sa musique pénètre l’esprit pour lui interdire tout penchant réfractaire.

Échappée belle vers une soif de liberté, cet album est un road-trip initiatique en terres tziganes. Et si « Scenic World » est un sentier vers l’électronique, c’est pour mieux rappeler qu’une musique folk traditionnelle n’est pas pour autant une musique du passé. En phase avec son époque, Zach Condon impose une certaine mélancolie poétique, sans pour autant nous embarrasser d’un passéisme brutal.

L’art de construire des ponts en tous genres : Géographiques bien sûr, temporels aussi, mais surtout des ponts musicaux : « Gulag Orkestar » est un album de métissages sonores. Comme une photo décatie, la couleur musicale de cet opus s’enfonce loin dans les jaunes («Bratislava »), et les tons orangés (« Postcard From Italy »). Agissant tel un caméléon, Zach Condon et sa musique virent au vert, sur un titre final (« After the Curtain ») duquel de légères notes électro émanent, accompagnées d’applaudissements bien mérités.

Au final, onze titres et autant d’escales improbables. Virée romantique et désuète, ou pèlerinage sans motif annoncé, « Gulag Orkestar » nous empoigne en Allemagne de l’est et nous mène de Bratislava aux confins de la Slovaquie, le plus loin possible, pour virer au sud parfois, jusqu’en Bulgarie, à l’orée même de la Turquie.

Romain.

mercredi 4 février 2009

Clouddead


Clouddead. Comme l’impression d’être tombé en troisième dimension. Le trio magique du label anticon (DoseOne, Why ? et Odd Nosdam) livre une première bombe à retardement en 2001, lorsque le debut album du groupe américain émerge de leurs imaginations. Dotée d’une véritable vision musicale, la formation impose ses idées au sein d’un opus revendicatif. Si réinventer la musique est trop ambitieux, il ne reste qu’une alternative : la faire évoluer.

Et le premier titre de l’album, « Apt. A (1) », n’intervient pas pour renier ce postulat. On y découvre une musique inconnue jusqu’alors, qui serpente dans les esprits comme elle traverse les ambiances soniques. Du rap à l’ambient, en passant par un abstract hip-hop dissonant et rafistolé, « Clouddead » est un coup de maitre. Les nuages synthétiques sont superposés à des sons intriguants, inquiétants parfois. Ces derniers, remplacés par une armée de flows fêlés et de beats engorgés d’eau, ne sont là que pour marquer l’évolution dans cet univers parallèle.

Des morceaux fleuves, qui enjambent l’obstacle des cinq minutes sans lasser l’auditeur, mais en proposant systématiquement une musique immersive au possible. Immersive, mais complexe à décrire, tant les variations rythmiques et mélodiques sont fréquentes : Sans aller jusqu’à dire que chaque morceau est un album, il est assez clair que chacun d’entre eux pourrait être décomposé en plusieurs chapitres.

Certes, les idées foisonnantes des trois musiciens tendent parfois vers un fouillis quasi-généralisé, mais l’intention est tellement louable, que les quelques passages un peu lourds se font aisément oublier à la faveur d’un disque ambitieux et original. Mélancolique, poétique et sombre, « Clouddead » nous dévoile un hip-hop anti-gangsta, sans pour autant paraitre gastéropode. Pis encore, cette galette se révèle indispensable. Les innovations sonores de cet opus en font un élément fondateur d’un hip-hop qui se veut alternatif, différent des machines de guerres rutilantes. Clouddead est une référence, Anticon sa base de lancement.

Romain.

Copenhague


Tout le monde, à un moment ou un autre, est tombé en admiration devant un morceau. Pas forcément parce qu’il était composé à la perfection, encore moins pour sa délicieuse mélodie. Non, sur un seul critère affectif, certains titres nous marquent. Cela ne veut pas dire qu’ils sont mauvais, mais cela signifie que les critères habituellement objectifs en matière de musique sont tout à coup désuets. Ces morceaux ont souvent un dénominateur commun, ils nous ramènent à notre propre existence, nous font envoyer le bon sens aux orties et nous emportent dans une rêverie mélancolique, un spleen en dehors de toute considération objective.

« Copenhague » est de ceux-ci. Et l’artiste qui a créé ce morceau n’est pas spécialement connu du plus grand nombre pour ce genre de chansons. Inutile de vous dire de qui il s’agit, déjà parce que dans ce cas précis, la chanson importe plus que l’artiste, mais aussi parce qu’en l’écoutant, la plupart d’entre vous reconnaitra le grain de voix du monsieur (Allez, la pochette de l'album a tué mon suspens, c'est bien Katerine). Un titre de chanson française (pour ne pas dire variété) d’une rare beauté offerte par un pitre métamorphosé en amoureux aussi crédible qu’inattendu. Tel un acteur comique qui révèle tout son talent dans son unique rôle de clown triste.

Rien de rock à Copenhague, de la neige tout au mieux. Rien de sulfureux, sinon la classe extrême d’une chanson qui ne sombre jamais dans le grotesque. Bien sûr, tout le monde ne peut pas être ouvert à cela. L’état d’esprit doit, à n’en pas douter, rendre l’auditeur enclin à s’imprégner d’une ambiance. Les goûts musicaux aussi, peut-être.

Guimauve ?
Oui.

Romain.





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